Pour m’être régalée à la lecture de La
préférence nationale, de Kétala, d’Inassouvies
nos vies et de Celles qui attendent, je savais
déjà que Fatou Diome est une excellente écrivaine ; mais après avoir
dévoré Impossible de grandir, je dis qu’elle est la
meilleure (j’exagère peu, ou pas du tout).
Impossible de grandir,
c’est 406 pages de pur bonheur et d’extase absolue ; Fatou Diome nous a
gratifié avec ce roman d'un cocktail délicieusement enivrant, dont les
ingrédients principaux sont un niveau de langue qui vole très haut, un
artistique mélange de souvenirs et d’émotions, de peines et de joies, de
colères et de relativisations, de tragédies et de grâces.
Dès la première phrase du roman, les présentations sont faites avec le personnage principal, qui se nomme Salie ; non pas Saly, diminutif de Salimata, mais Salie, comme qui dirait Souillée, ou Impure…Et on comprend dès l’entame du propos que l’histoire qui nous est contée est remplie de douleurs muettes. On réalise petit à petit que ce livre est une catharsis, dontFatou Diome Salie
avait besoin pour se libérer de blessures secrètes profondément enfouies, parce
que très anciennes, car remontant à sa plus tendre enfance, voire nées en même
temps qu’elle puisque liées aux circonstances de sa naissance. C’est
effectivement une catharsis, et Salie l’avoue sans ambages : « pour
nous soulager, il faut nous départir de la part encombrante de la mémoire, ce
qui vaut amputation".
Fatou Diome Salie
partage avec nous son combat contre elle-même, à travers le personnage fictif
de « La petite », qui n’est autre que son alter ego ;
elle nous livre sa bataille quotidienne pour tenter de mener une vie
d’adulte normale, alors même qu’elle se rend compte à travers chaque acte
qu’elle pose de la difficulté de son projet, parce que les boulets de son
enfance lui pendent aux pieds, l’empêchant de tenir en équilibre « sur le
tapis coulissant de la vie » ; elle avoue pourtant que ce qu’elle
veut est très simple en réalité : juste marcher…juste marcher
droit… « yo solo quiero caminar », a-t-elle souvent fredonné
tout au long du livre, en faisant un clin d’œil à Paco de Lucia… Très
simple ? C’est peut-être vite dit, car en réalité, comment marcher droit
lorsque chaque pas est alourdi par le poids des maux du passé ? Elle-même
se le demande : « comment danser un joli tango avec le présent quand
le passé, jaloux, vous jette un fil à la pâte ? ». Sortira-t-elle
victorieuse de ce combat ? Je préfère laisser planer le suspens…car ce
livre mérite d’être lu, et relu encore et encore.
Impossible de grandir, c’est un savant agencement de thèmes d’une grande variété, allant de la construction de soi à la quête de l’apaisement, en passant par l’importance de la relativisation, la cohabitation avec la névrose, la problématique de la fierté, avec en toile de fond la douloureuse question de l’enfance malheureuse.
Impossible de grandir, c’est
aussi, en filigrane, une merveilleuse poésie qui n’a rien à envier à celle des
plus grands aèdes, où la force, la justesse et la beauté des images
ornent des analyses profondes et pertinentes, des assertions débordantes de
véracités et de sagesses.C’est un livre qu’on ne lit pas d’un seul trait, car
les images, toujours bien à propos et justes, sont tellement profondes qu’elles
nous obligent à marquer un temps d’arrêt, pour les déchiffrer et en saisir les
subtilités.
En lisant ce livre, j’ai été marquée par le courage deFatou Diome Salie, qui ose critiquer
« l'oncle », dans une société matrilinéaire où la figure avunculaire est,
à la limite, idolâtrée. J’ai admiré en Fatou Diome Salie
une africaine à la fois enracinée et ouverte, une femme forte de sa
détermination, faisant un pied de nez à la société qui ne sait que tenter
d’entraver les déambulations des pèlerins de la vie en leur accrochant de
lourdes chaines aux chevilles, qui ont noms entre autres convenances et traditions.
J’ai apprécié une Fatou Diome Salie très honnête avec
elle-même, avec sa famille, avec ses lecteurs et avec la société, ayant décidé
que l’hypocrisie ambiante ne passera pas par
elle, puisqu'elle préfère, crûment, dire la vérité et
se trouver, plutôt que dissimuler ses mots sous le masque de la
soumission/gentillesse et perdre son âme.
Fatou Diome est à la fois une humaine comme les autres, qui a accepté sa faiblesse et qui l’assume et une jeune femme d’une force exceptionnelle, aguerrie par les épreuves, dont la grandeur réside en ce qu’elle a pu se relever et rebondir, après avoir été violemment jetée à terre par les vicissitudes de l’existence.
Ce livre, c’est, sans en avoir l’air, beaucoup de valeurs rappelées, beaucoup de leçons apprises, une véritable mine de réflexions d’une haute portée philosophique. Avec Impossible de grandir, Fatou Diome vient confirmer un talent incontestable.
Pour ma part, j’ai trouvé à travers ce livre la réponse, ou une partie de la réponse, à une question essentielle que je me pose très souvent, comme le font, je suppose, tous les écrivains : Pourquoi écrire ?
Ce livre m’a confirmé qu’en réalité, s’il s’agit bien d’écrire pour vivre sa passion, c’est aussi et avant tout écrire pour dire, mais également pour se dire ; c’est écrire pour partager certes, mais c’est surtout écrire pour se libérer, lorsque le trop plein d’émotions risque de causer l’étouffement. Il s’agit d’écrire, pour se retrouver…Pour dire vrai, sans avoir vécu le drame deFatou Diome Salie,
je me suis retrouvée dans chaque émotion qu'elle a exprimée ; j’ai
confirmation de ce que je savais déjà : bien souvent, les écrivains ont la
même histoire, déclinée certes en versions différentes en raison de la
biographie personnelle de chacun et de chacune, mais essentiellement similaire,
au regard de leur sensibilité et tenant compte des réalités intrinsèques qui
varient d’une vie à une autre. A cet égard, pour tout écrivain en début de
carrière, ce livre est une véritable source de motivations, qui prouve qu’il y
a toujours moyen d’écrire quelque soit les profondeurs des entailles causées
par le coutelas de la vie; qu’il y a toujours moyen de faire de la poésie,
malgré la tragédie.
© 2014takianafissatoufall
Dès la première phrase du roman, les présentations sont faites avec le personnage principal, qui se nomme Salie ; non pas Saly, diminutif de Salimata, mais Salie, comme qui dirait Souillée, ou Impure…Et on comprend dès l’entame du propos que l’histoire qui nous est contée est remplie de douleurs muettes. On réalise petit à petit que ce livre est une catharsis, dont
Impossible de grandir, c’est un savant agencement de thèmes d’une grande variété, allant de la construction de soi à la quête de l’apaisement, en passant par l’importance de la relativisation, la cohabitation avec la névrose, la problématique de la fierté, avec en toile de fond la douloureuse question de l’enfance malheureuse.
En lisant ce livre, j’ai été marquée par le courage de
Fatou Diome est à la fois une humaine comme les autres, qui a accepté sa faiblesse et qui l’assume et une jeune femme d’une force exceptionnelle, aguerrie par les épreuves, dont la grandeur réside en ce qu’elle a pu se relever et rebondir, après avoir été violemment jetée à terre par les vicissitudes de l’existence.
Ce livre, c’est, sans en avoir l’air, beaucoup de valeurs rappelées, beaucoup de leçons apprises, une véritable mine de réflexions d’une haute portée philosophique. Avec Impossible de grandir, Fatou Diome vient confirmer un talent incontestable.
Pour ma part, j’ai trouvé à travers ce livre la réponse, ou une partie de la réponse, à une question essentielle que je me pose très souvent, comme le font, je suppose, tous les écrivains : Pourquoi écrire ?
Ce livre m’a confirmé qu’en réalité, s’il s’agit bien d’écrire pour vivre sa passion, c’est aussi et avant tout écrire pour dire, mais également pour se dire ; c’est écrire pour partager certes, mais c’est surtout écrire pour se libérer, lorsque le trop plein d’émotions risque de causer l’étouffement. Il s’agit d’écrire, pour se retrouver…Pour dire vrai, sans avoir vécu le drame de
© 2014takianafissatoufall
Résumé:
Salie est invitée à dîner chez des amis. Une
invitation apparemment anodine mais qui la plonge dans la plus grande
angoisse. Pourquoi est-ce si « impossible » pour elle d’aller chez les
autres, de répondre aux questions sur sa vie, sur ses parents ? Pour le
savoir, Salie doit affronter ses souvenirs. Poussée par la Petite, son double
enfant, elle entreprend un voyage intérieur, revisite son passé : la vie à
Niodior, les grands-parents maternels, tuteurs tant aimés, mais aussi la
difficulté d’être une enfant dite illégitime, le combat pour tenir debout face
au jugement des autres et l’impossibilité de faire confiance aux adultes.
À partir de souvenirs personnels, intimes,
Fatou Diome nous raconte, tantôt avec rage, tantôt avec douceur et humour, l’histoire
d’une enfant qui a grandi trop vite et peine à s’ajuster au monde des
adultes. Mais n’est-ce pas en apprivoisant ses vieux démons qu’on s’en libère
? « Oser se retourner et faire face aux loups », c’est dompter l’enfance,
enfin.
Impossible de Grandir,
Flammarion, mars 2013.
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Takia, tu es vraiment agreable a lire. Ce doit etre pourquoi, apres la lecture de ton article, j'ai envie de decouvrir le livre de Fatou Diome.
RépondreSupprimerC'est le livre qui est bon! Je te le recommande vivement. Tu ne le regretteras pas.
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