Mercredi 24 juin
"C’est fou comme la prison m’a changée. Dire que maintenant, je me refuse de porter un quelconque jugement sur mes semblables, moi qui avant, ne ratais aucune occasion de critiquer et de médire, lorsque je me trouvais avec certaines de mes « amies » d’antan. En effet, je me rends compte à présent que je ne suis ni meilleure ni pire que les autres. Le regard que je porte sur la vie a changé. En tout cas, si dans cette prison j’ai compris une chose, c’est que l’être humain est complexe, et à présent, je réalise qu’il ne m’appartient pas de faire le procès des agissements d’autrui, n’ayant pas en main tous les éléments qui constituent ses motivations profondes.
Oui assurément, la prison m’a profondément changée. Avant, j’étais hautaine et j’avais une certaine tendance à minimiser les autres, va savoir pourquoi d’ailleurs ! Je n’étais ni la plus belle, ni la plus gentille. Ici, je suis devenue plus sensible à la douleur humaine. J’ai l’occasion de discuter avec beaucoup de femmes, surtout celles qui sont dans le Bloc D.
Mises à part quelques femmes qui sont victimes d’erreur judiciaire, toutes mes codétenues sont ici soit pour vol, soit pour trafic de drogue, soit pour assassinat… en tout cas, toutes ont commis délits ou crimes, parfois monstrueux. Pourtant en parlant avec elles, je suis toujours marquée par le fait qu’aucune ne se considère comme mauvaise fondamentalement. Même celles qui ont commis les crimes les plus atroces se considèrent comme des victimes de la vie ou du destin. Cela est d’ailleurs valable pour moi. Malgré l’homicide que j’ai froidement accompli, je ne me considère pas comme mauvaise. Au moment où j’agissais, je ne voyais pas d’autre alternative. Non, je n’ai pas tué parce que je suis mauvaise. J’ai tué parce que je me considérais comme dans mon bon droit… C’est vrai qu’on voit la paille dans l’œil du voisin ; on ne voit pas la poutre dans le nôtre.
Je retiens maintenant que nul n’est parfait. Tout le monde peut commettre des erreurs. D’ailleurs, c’est la capitalisation de ses erreurs qui constitue l’expérience d’une personne. Tolérance et pardon devraient donc être des valeurs à développer"...].
