17 mars 2012

Son pays, c'est le Sénégal

 Il lui semble que les choses ont changé.  Elle ne reconnait plus son pays, ni son quartier, ni sa maison, ni même sa chambre. Il n’y a pas longtemps pourtant ses colocataires, tout comme ses compatriotes, étaient aimants, solidaires et sincères les uns envers les autres.  Elle vivait dans un havre de douceur et de paix, un nid douillet chauffé par l’amour et la tendresse, les idées saines et la pureté des cœurs, la liberté de pensée et d'expression, l'harmonie, et également la tolérance religieuse. Mais ça, c’était avant…

C’était avant que les appétits ne n’exacerbent soudainement et que les ambitieux n'ôtent leurs cagoules, brusquement. C'était bien avant que les graines de la concupiscence semées par quelques esprits égoïstes et conquérants, ne croissent pour devenir cet arbre immense, qui ne lui rappelle aucun feuillu ni conifère de ses connaissances. Elle se résigne à ne pas le nommer, car il est unique en son genre, cet arbre aux branches toutes torturées. C'était avant que d'adorables lions fiers et nobles, ne se transforment en fauves sanguinaires et cruels. 

Puis des cloisons dans la chambre ont fait leur apparition, petit à petit, pernicieusement. Elle a commencé à se sentir perdue. Tout est devenu si différent. Dans sa bulle de candeur, elle n’a rien vu venir.  Puis des armes, pour  semer la terreur et cultiver le stress. On la disait gentille, elle est devenue "parano", puis s’est muée en amazone, pour sauver sa peau. Aujourd’hui, on la dit « engagée ». C’est parce qu’elle ne reconnait plus rien ni personne ; rien que des étrangers autour d’elle, partout. Ces visages ne sont plus ceux de ses colocataires, non plus ceux des compatriotes qu’elle avait connus jadis, si doux et si humains, tatoués de bouts de sourire, partout. Tout est différent à présent. Elle en est devenue farouche, comme une souris égarée dans un monde de chats. Elle se sent traquée de toute part. 

Soudain, un grand vent se lève, et balaie tout sur son passage. Il est violent, il faut qu'elle s'accroche; mais à quoi, puisque tout n'est que vide autour d'elle. Aucune anse crédible offerte à ses doigts qui cherchent à s'agripper. Rien que du vide. Alors elle formule des prières, dans son coeur, c'est tout ce qu'il lui reste de toute façon, car sa bouche est devenue muette de douleur et de terreur. La rafale, qui tonne comme des grenades lacrymogènes,  l'empêche d'entendre le bruit de l'arbre que le vent vient de terrasser. L'arbre maudit s'est affaissé et a disparu instantanément. Le vent s'est calmé, petit à petit. 

A la place de l'arbre sans nom et sans forme, un magnifique baobab a poussé. Elle n'en croit pas ses yeux. Elle se rapproche pour mieux voir. Tout en haut, à la cime, il lui semble voir un drapeau qui s'élève doucement mais vraiment, qui flotte, qui flotte. Ce mouvement lui inspire des sensations impromptues : l'angoisse et la joie, la tristesse et la tendresse, la crainte et l'espoir. La vue de cet étendard la rassure aussi. Il est tricolore, avec une étoile verte aux reflets dorés au milieu. 

Il y a du vert, symbole de foi et d'éclosion des nobles valeurs; il y a du jaune aussi, qui lui rappelle la lumière et la remplit d'espérance. Il y a du rouge, comme le sang des martyrs tombés au champ d'honneur, un vendredi saint, et qui aujourd'hui encore, crient "Plus jamais ça!". L'étoile brillante semble irradier, incarnant la résilience,  pour une ère toute neuve.   

Elle reprend confiance. Du fond de son coeur, prend naissance une complainte, qui longe sa gorge telle une litanie, pour se faire hymne en franchissant ses lèvres. Elle chante pour la paix et l'unité.

Elle retrouve sa maison telle qu'elle l'avait souhaitée, elle revoit son pays comme elle l'avait rêvé.

Son pays, c'est le Sénégal.

© 2012takianafissatoufall

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